Hoboken brûle-t-il ?

Yuppies Invade My House at Dinnertime: A Tale of Brunch, Bombs, & Gentrification.

THE YUPPIES ISSUE

Emma Lec’hvien

4/15/20232 min read

Recueil documentaire de lettres et de témoignages édité en 1987 par Joseph Barry et John Dereviany, Yuppies Invade My House at Dinnertime : A Tale of Brunch, Bombs, & Gentrification est adapté en pièce de théâtre.

Alerte évènement : Du 31 mars au 8 avril au Miles Square Theater d’Hoboken New Jersey ! Pas le temps de faire l’aller-retour dans la semaine ? Voici un grossier résumé pour pouvoir cracher sur les nouveaux riches pendant un pique-nique au parc de Bercy.

Vous ne connaissez peut-être pas le Yuppie (contraction de Young Urban Professional), mais vous descendez en même temps du métro à Bercy que son cousin français, le jeune cadre dynamique. Vous, des madeleines à la main et le rouge aux joues. Lui, un attaché-case à la main et la corde au cou.

Maintenant, imaginez que le-dit jeune cadre dynamique attende qu’on brûle votre immeuble pour pouvoir acheter/louer moins cher et branché.

Yuppies Invade My House at Dinnertime compile le courrier des lecteurs de 1983 à 1987 du journal local The Hoboken Reporter. Militantes et émouvantes, drôles et désespérées, ces lettres retracent le destin d’une petite ville à 10 minutes en train de Manhattan.

Années 70 : Nixon transforme les États-Unis en une vaste partie de Monopoly (on a prévenu que c’était grossièrement résumé, et en plus, on est gauchos.) C’est fini d’aider les pauvres, et pour ça, c’est toujours plus facile d’être raciste. Merci la dissonance cognitive.

Les subventions allouées au service public sont plafonnées, les rénovations des bâtiments confiées aux gros promoteurs immobiliers. La gentrification touche Hoboken dès les années 60. Elle attire la classe moyenne, ravie d’être propriétaire à 25 ans d’une authentique maison en brownstones. C’est une décennie plus tard qu’intervient notre fameux Yuppie, qui s’enchante lui de la proximité de Wall Street et du Manhattan florissant.

Peut-être un extrait de cette lettre ?

« Dear Editor,

I’m a Hoboken resident for 35 years, losing my home to Yuppies. Seeing these weird people with sneakers and dresses every morning dashing for a crosstown bus turns my stomach. But please have some compassion for my privacy. Realtors coming to show my apartment at suppertime without notice is unpleasant. Again I have to see sneakers and dresses and men with shoulder bags and cameras only in my house at my special time. Give me a break — or a little advanced notice

Thank you,

Once lived on a tree lined street

July 9 1986 »

« La Renaissance de Hoboken », ainsi louée dans la presse, est en vérité un phénix tragique et meurtrier. Plus de 500 incendies ont ravagé la ville entre 1978 et 1983. Les immeubles calcinés sont rénovés, puis reloués 5 à 6 fois plus cher. 55 morts et plus de 8000 sans-abris compte Dylan Gottlieb, 7000 locataires exilés – à cause des incendies, de l’insécurité et du prix du loyer devenu exponentiel – dénombre le Musée d’Hoboken. Les victimes sont en très grande majorité d’origine portoricaine, précise le musée. Bien que la majorité des incendies aient été classés d’origine criminelle, on attend toujours les poursuites judiciaires des propriétaires coupables mais jamais inculpés.

Entre expansion économique fulgurante et massacre de populations défavorisées, la petite ville d’Hoboken assiste au dénouement dramatique de la victoire du profit.

Il manque un petit quelque chose à votre pique-nique ? Mangez un riche.

Pour aller plus loin :

Je vous invite à lire la thèse de Dylan Gottlieb sur le sujet qui est très complète. “Hoboken is Burning : Yuppies, Arson, and Displacement in the Postindustrial City.” 2019, Journal of American History.

Du 31 mars au 8 avril au MST, Hoboken NJ : Yuppies Invade My House at Dinnertime, Joseph Gallo.

Joseph Barry et John Dereviany, Yuppies Invade My House at Dinnertime: A Tale of Brunch, Bombs, & Gentrification, 1987, Big River Pub.

xoxo, Emma