
Les Roaming Twenties ou l'âge de la mondaine virtuelle
THE CYBORG ISSUE
Balthazar Astier
9/18/20223 min read
Il y a un siècle, les Roaring Twenties laissaient place à une élite mondaine qui prisait l’extravagance, le toujours-plus et l’ascension sociale à travers de notes volantes de jazz, de “lawn parties” aux Hamptons et de robes à clapets. Aujourd’hui, nos années vingt reprennent le discours de cet ère à travers une décadence de lignes de codes, de clubs virtuels et un monde dans lequel le contact et la rencontre entre les personnes sont remplacées par la connectivité des utilisateurs. Cette époque, je l’appelle les Roaming Twenties.
“Roaming: refers to a mobile device being used outside the range of its native network and connecting to another available cell network.” (Wikipedia)
Nouvelle époque est synonyme d’une nouvelle élite sociale : la mondaine virtuelle. Les géant..es de la technologie font maintenant partie de l’entre-soi des plus grands artistes et héritier..es. L’exemple le plus flagrant : le wannabe cyborg Elon Musk et l’artiste indé Grimes fondent une famille. De cette mondaine virtuelle découle une lignée d’activités mondaines remises au goût du jour : le mauvais goût pour une technologie de la pléonexie. Fashion Week, clubs privés, spectacles, projections ou soirées ; toutes ces choses qui font que les mondains ne s’ennuient pas subissent un changement conséquent.
Si avant les mondains se rendaient à des ventes aux enchères données dans des lieux mythiques pour acheter les œuvres les plus prisées, aujourd’hui il suffit de s’inscrire sur une liste d’attente pour acheter un misérable NFT. La it-girl Bella Hadid crée son propre métavers CY-B3LLA dont l’objectif est de vendre des NFTs exclusifs d’elle-même et de lancer des soirées privées en toute connectivité (aucune de ces soirées n’a encore vu le jour). Encore plus culottée que cela : l’héritière et DJ Paris Hilton s’associe avec la chanteuse Sky Ferreira pour réaliser un film disponible qu’à ceux qui achèteront leur propre NFT. Il ne risque pas d’être projeté à Méta-Cannes… Ici, il semblerait que le virtuel se fasse passer comme une clé d’accès à la vie mondaine. Achetez un NFT, rejoignez un métavers et on vous promet la vie dont vous avez toujours rêvé. Pour le lancement de leur nouvelle fragrance, la maison Ralph Lauren crée un club virtuel dans lequel font déjà partie les plus grands noms de la mondaine : Luka Sabbat, Gigi Hadid, Fai Khadra… Il suffit de se connecter sur un site et l’on voit Gigi Hadid sur l’écran nous guider vers une piste de danse. On peut ensuite se promener virtuellement dans le “club” façon VR. Le “VIP immersive virtual experience with celebrity guests and special offers” n’est pas très convaincant, j’aurai préféré pouvoir avoir un zoom call avec Gigi et que l’on m’offre un NFT Ralph Lauren…
Ces activités mondaines ruissellent aussi dans des changements plus conséquents pour le grand public. Cette année, une nouvelle catégorie est créée au MTV Video Music Awards : « Best Metaverse Performance » remportée par le groupe coréen BLACKPINK. Les concerts dans le métavers ont vu le jour en Février 2019 avec l’artiste d’EDM Marshmallow sur Fortnite. Mais la première fois que j’en ai entendu parler c’est par mon petit frère qui galérait à se connecter sur Fortnite pour le concert de Travis Scott en Avril 2020. « J’ai pas pu aller au concert, j’ai raté l’heure. J’ai vu le concert de J Balvin plus tard. C’était nul. » Zachary, 13 ans et pas convaincu par l’avenir des concerts dans le métavers : « je ne retournerai pas sur Fortnite pour voir un concert… Je joue plus à Fortnite, c’est nul. » Comme quoi il y a encore de l’espoir pour la jeune génération. Si le virtuel est à la mode, il n’est que logique que la mode prenne part au virtuel. En effet, depuis le confinement en 2020, de nombreuses maisons abandonnent leurs défilés pour des virtual shows. C’est bien moins excitant que l’on ne le pense car ce n’est qu’une retranscription en direct du catwalk mais sans public. La fashion week est donc condamnée à perdre toute son effervescence. Plus de regards hautains de petits cons qui font de la comm, plus de « so do you work in fashion ? » à la Perle, plus d’after-party au Carmen… À quoi bon d’avoir une fashion week si ce n’est pas pour toutes ces horribles choses ?
Bref, tout ça pour dire que les Roaring Twenties ont l’air bien plus fun que les Roaming Twenties. La technologie du roaming est transposée à l’être humain, qui n’est plus « être» mais « utilisateur ». En somme, il ne peut être personne sans l’utilisation de cette technologie qui prône une connectivité à tout, tout le temps et où l’on veut (si l’idée de localisation géographique existe encore dans quelques années…). Aujourd’hui, je perds tout appétit à eat the rich car la mondaine virtuelle ne doit pas avoir bon goût.
xoxo, Balthazar